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La politique américaine au Moyen-Orient

.: le 13 janvier 2011

Dans un texte clair et fourni, Vincent Fromentin analyse les intérêts des Etats-Unis dans la région moyen-orientale, où leur présence s’est progressivement accentuée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Si le Moyen-Orient est marqué à partir des années 50 par la fin des pré carrés coloniaux européens et le positionnement des États-Unis pour le contrôle de l’énergie, on observe un basculement de la donne géopolitique. Alors que les États-Unis étaient favorablement perçus comme l’émancipateur du joug des colons européens en garants puissants de la démocratie, leur aura s’émousse progressivement.

1. D’une rivalité anglo-américaine à un positionnement stratégique face à l’URSS (1919-1979)

1.1. Le point de départ : une rivalité économique entre européens et américains (1919-1945)

La création du personnage de Zorro, en 1919, par Johnston McCulley symbolise parfaitement l’Amérique partant en croisade, dès après que le Congrès le 6 avril 1917 ait voté l’entrée en guerre, pour sauver la démocratie mise en péril par les pays de la Triple Alliance en Europe. Il s’agit d’une rupture par rapport au principe de neutralité, affichée dès le 4 août 1914 par Wilson, qui marque l’inexorable engagement américain dans les affaires internationales.

En réalité, Wilson est tout à fait conscient de l’affaiblissement des grandes puissances contemporaines. Il pense profiter de la conflagration européenne pour proposer l’idée d’une organisation internationale, projection de la démocratie incarnée par les États-Unis, afin de limiter les risques politiques de leur engagement commercial dans le monde.

Ces années 20 sont marquées par le formidable élan de leur économie et de leur industrie. Ce dynamisme leur permet de se positionner dans l’Europe affaiblie mais aussi sur les traditionnelles chasses gardées des colonies, notamment au Moyen-Orient.

En 1916, constatant le délitement continu de l’« homme malade de l’Europe » (indépendance de l’Égypte, conquête française de l’Algérie, indépendances des Balkans, conquête séoudiene de la péninsule arabique), Georges Picot et Marc Sykes, concluent un accord secret garantissant la mainmise des Français sur la Syrie et le Liban et des Anglais sur l’Irak.

En Irak, ce sont donc les troupes britanniques (l’armée des Indes) qui contrôlent le pays, après avoir combattu les troupes de l’Empire Ottoman durant la Première Guerre. Avec l’Iran, par l’intermédiaire de l’Anglo-Persian Company, l’Irak constitue la principale ressource pétrolifère connue de l’époque.

Mais les États-Unis font pression pour participer au capital de la Turkish Petroleum Company, arguant qu’il s’agit d’une prise de guerre. De plus, ils s’assurent un contrôle total du pétrole nouvellement découvert sur le territoire saoudien dès 1934 (avec la Standard Oil of California, Texas et Mobil, futur ARAMCO). Après Yalta, la rivalité anglo-américaine se transforme en positionnement stratégique face à l’URSS.

1.2. Le positionnement stratégique face à l’URSS (1945-1958)

En 1945, Roosevelt et Ibn Saoud concluent l’accord de Quincy qui garantit un soutien indéfectible des américains à la péninsule en échange des concessions pétrolières. Une base américaine est d’ailleurs implantée au milieu de cette zone, à Dahran. Mais, les États-Unis glissent d’une vision strictement sécuritaire des impératifs énergétiques à une appréhension idéologique plus globale des enjeux face au bloc communiste attiré par les mers chaudes du Sud (Mer Noire, Mer Caspienne). C’est cette conception qui les impliquera dans le Plan de Partage de la Palestine de 1947 afin de faire d’Israël un relais régional et un pivot stratégique, clairement affirmé en 1967 lors de la Guerre de Six-Jours. Ce partenariat avec Israël est durable, quel que soit le type de gouvernement en place, contrairement aux autres états arabes pro-américains, trop soumis aux aléas conjoncturels. Il peut s’expliquer en partie par la très grande influence –encore actuelle– du lobby pro-israélien, l’American-Israeli Public Affairs Committee (AIPAC), sur les décisions stratégiques des États-Unis.

La crise de Suez en 1956 marque l’éviction des vieilles puissances européennes du Moyen-Orient et l’émergence des nationalisme égyptien (Nasser) et iranien dès 1951 (Mossadegh) qui reçoivent le soutien soviétique.

L’URSS de Staline revendique la zone de Trébizonde à la Turquie (mer Noire) qui pousse cette dernière à rejoindre l’OTAN. Le Pacte de Bagdad de 1955 signé entre l’Irak, l’Iran, le Pakistan, la Turquie ainsi que les États-Unis et la Grande-Bretagne tente de juguler ces aspirations soviétiques vers le Sud (notamment l’attrait de l’Égypte de Nasser et de la Syrie). Bénéficiant de l’appui soviétique, le premier ministre iranien, le Dr Mossadegh, cherche à évincer le Shah. Les services secrets américains, craignant une nationalisation de l’Iran Petroleum Company, organisent un coup d’état qui écarte définitivement Mossadegh en 1953. Avec le ralliement de la Turquie à l’espace pro-américain l’année précédente, ce sont les deux pays non arabes du Moyen-Orient (Iran et Turquie) qui assurent les verrous territoriaux stratégiques face à l’URSS.

Sur le plan militaire, les États-Unis sont de plus en plus convaincus que la supériorité d’Israël face aux états arabes pro-soviétiques est essentielle dans la géopolitique de la région. Pour cette raison, les États-Unis soutiennent Israël en 1967 mais aussi en 1973, lorsque la Syrie et l’Égypte décident d’attaquer conjointement pendant le Kippour. Néanmoins, de son côté, l’Arabie Saoudite de Fayçal voit de plus en plus d’un mauvais œil le soutien américain invétéré à Israël dans le conflit arabo-israélien en gagnant de plus en plus d’autonomie face aux États-Unis et en finançant ouvertement des groupes palestiniens marxistes et radicaux.

1.3. Les contestations de l’empire américain (1958-1979)

L’empire américain construit au Moyen-Orient commence à s’affaiblir et à être contesté par les élites. Le gouvernement nationaliste du Parti Baas en 1958 en Irak, le rapprochement de l’Irak et de l’Iran (accords d’Alger de 1975) et le détachement progressif de l’Iran du glacis bâti par les États-Unis, la récusation de la politique américaine par Fayçal conduisent, en mars 1975, à l’assassinat de Fayçal par la CIA, et en avril, à la guerre du Liban manipulée par Israël et les États-Unis. En janvier 1979, le renversement du Shah d’Iran fomenté par des groupes religieux extrémistes soutenus par les anglo-saxons place Khomeiny à la tête d’une République Islamique.

Ce bouleversement de l’échiquier géopolitique ne profite ni aux américains (pour Khomeiny, l’Amérique est le « Grand Satan »), ni aux soviétiques (dont l’athéisme est fortement décrié). Cette révolution religieuse contamine également l’Arabie Saoudite qui gèle ses réformes progressistes sous la pression du courant des wahhabites. En 1979, non seulement le verrou stratégique de l’Iran tombe mais également l’URSS envahit l’Afghanistan. Les États-Unis sont affaiblis sur trois plans : militaire avec l’Iran et l’Irak (soutenus par l’URSS et la France pour l’Irak), idéologique avec l’Afghanistan et économique avec l’Arabie Saoudite.

2. L’effacement de l’influence soviétique et la mainmise énergétique américaine totale au Moyen-Orient (1979-1991)

2.1. Vers la fin d’un monde bipolaire (1979-1989)

Si le Moyen-Orient est marqué à partir des années 50 par la fin des pré carrés coloniaux européens et le positionnement des États-Unis pour le contrôle de l’énergie, on observe un basculement de la donne géopolitique. Alors que les États-Unis étaient favorablement perçus comme l’émancipateur du joug des colons européens en garants puissants de la démocratie, leur aura s’émousse progressivement. 1979 est une date particulièrement clé dans la compréhension du Moyen-Orient :

• Par l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS (qui se révèlera être une erreur stratégique), l’influence des États-Unis et le Pakistan, leur allié, sont directement menacés,
• Par la révolution iranienne de Khomeiny, qui est religieuse et qui s’écarte de toute orbite d’influence (URSS ou USA), les États-Unis perdant leur atout essentiel dans la région,
• Malgré les premiers pas d’une reconnaissance par les pays arabes du statut d’Israël (qui pour les États-Unis est un facteur de poids dans la stabilité stratégique de la région) par la signature par Sadate, successeur de Nasser, d’un traité de paix et de reconnaissance de la frontière entre Israël et l’Égypte.

2.1.1. Les bouleversements de la révolution iranienne (1979)

En 1979, la révolution iranienne surprend et dérange l’équilibre géopolitique de la région pour plusieurs raisons :
• En premier lieu, le régime des mollahs est religieux et il conteste le contrôle de la dynastie saoudienne sur les Lieux Saints (La Mecque). L’Arabie Saoudite wahhabite (branche issue d’un sunnisme très radical) craint de son côté une contagion de la révolution islamique à sa région pétrolière peuplée de minorités chiites.
• En deuxième lieu, l’Iran, puissamment armé jusque-là par les Américains, se réorganise militairement difficilement. Stratégiquement, l’Irak de Saddam Hussein compte profiter de cette faiblesse pour envahir une zone pétrolière du Sud de l’Iran, chiite, à l’Est du Chatt-el-Arab.
• En troisième lieu, de fait, la montée en puissance de l’Irak, soutenu par l’URSS et la France depuis 1958, face à un Iran devenu anti-américain, inquiète fortement son voisin direct : Israël.

2.1.2. La montée en puissance de l’Irak (1968-1988)

Effectivement, les revers de la politique américaine au Moyen-Orient imposent donc de trouver de nouveaux alliés pour contrebalancer la menace stratégique. L’Irak profite donc de ce changement de vent en sa faveur et fédère tous les intérêts. En déclenchant une guerre contre l’Iran, jusque-là militairement très puissante, l’Irak reçoit le soutien de tous : pendant le conflit, de 1980 à 1988, l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe, le Koweït, la France, les États-Unis et même l’URSS, non seulement ferment les yeux sur cette invasion territoriale, mais contribuent à fourbir les armes de la plus puissante armée du Moyen-Orient.

Mais, cette guerre, qui s’augurait brève, s’éternise pour deux causes :

• L’une, endogène, tient au fait que la zone envahie est chiite et que l’Irak, bien que son parti Baas soit laïque, est majoritairement peuplé de chiites (et possède également des lieux saints chiites comme Kerbala et Nadjaf). La résistance iranienne repose donc sur deux atouts : son sentiment national et sa proximité religieuse avec la population d’Irak.
• L’autre, exogène, repose sur le jeu des relations internationales : les services secrets d’Israël, craignant les conséquences d’une victoire irakienne, et afin d’épuiser les deux pays ont contribué, avec l’appui américain à moderniser l’ancienne armée du Shah. C’est le fameux scandale de l’Iran Gate.

2.1.3. Le bourbier afghan (1979-1989)

L’URSS, en envahissant l’Afghanistan, loin de vouloir atteindre les « mers chaudes » comme on le redoutait à l’époque, semble, en réalité, plutôt vouloir simplement sauver les techniciens et coopérants soviétiques confrontés à une importante et sanglante vague de contestations.

• Comment en est-on arrivé à cette situation-là ?

L’Afghanistan est encore au début du siècle un pays isolé en raison du « Grand Jeu » que se livrent les deux puissances impériales, russe et britannique. Il n’y a eu que très peu de contacts avec le Moyen-Orient et l’Afghanistan, malgré une tentative de modernisation par le roi Amanullah étouffée par les mollahs en 1929, a un mode de fonctionnement quasi-autarcique jusqu’au milieu des années 1950. C’est effectivement de conserve que Britanniques et Russes ont contribué à établir un royaume-tampon en Afghanistan, dont l’instabilité aurait été préjudiciable à l’équilibre entre les deux empires. L’Afghanistan est donc neutralisé et isolé.

Dans les années 50-60, l’Afghanistan attise les convoitises des deux nouvelles puissances. De grands chantiers sont menés pacifiquement (l’immense aéroport de Kandahar, par exemple) jusqu’à ce que les États-Unis cèdent leur place, préoccupés par la montée en puissance de l’Iran. Les Soviétiques, à partir de la fin des années 60, dépêchent alors sur place de nombreux cadres et forment une armée moderne. Cette modernisation cristallise cependant l’hostilité des religieux.

En 1973, le roi est balayé au profit d’un président soutenu par un parti communiste (le Parti démocratique du peuple afghan) dont les rivalités internes poussent à des réformes de plus en plus radicales. La forte opposition des partis ultra religieux et des mollahs atteint son paroxysme lorsque en 1978 et 1979 diverses insurrections et lynchages de cadres soviétiques obligent l’URSS à intervenir militairement.

• L’instrumentalisation de la résistance

Le front de résistance à l’URSS en Afghanistan n’est pas uni. De tous temps, les tribus se sont fortement opposées et livrées à des luttes sanglantes. La plus importante –et la plus connue– de ces rivalités tribales traditionnelles est celle entre Pachtouns et Tadjiks, de part et d’autre de la frontière pakisto-afghane.

Une importante aide financière est déclenchée par les États-Unis (qui fournissent le matériel militaire léger aux chefs de guerres religieux réfugiés au Pakistan) mais aussi par l’Arabie Saoudite et les riches pays du Golfe. De plus, de tout le monde arabe affluent des combattants du djihad, les moudjahidin, pour rallier la résistance contre l’URSS.

La guerre d’Afghanistan bascule vraiment en 1986, lorsque les États-Unis fournissent les missiles Stinger (via l’Arabie Saoudite qui les revendaient par des réseaux pakistanais) contre les hélicoptères soviétiques, pour aboutir, finalement, au retrait soviétique de l’Afghanistan en 1989.

Mais, pendant les 10 ans d’occupation soviétique, les trafics d’armes alimentés par le jeu de tous les puissants, de drogue (l’Afghanistan fournit 80% de l’héroïne mondiale) ont rôdé les circuits de la guérilla et de la résistance de ces moudjahidin au plus haut point.

2.2. La mainmise américaine au Moyen-Orient (1989-1991)

En 1989, l’URSS a constaté son échec cuisant en Afghanistan et se retire. De fait, après la guerre menée pour réduire les visées irakiennes et lorsque l’URSS disparaîtra fin 1991, les États-Unis ressortent comme la principale puissance dominant les enjeux du Moyen-Orient et comme les uniques instigateurs des processus de réconciliation (Madrid en 1991 ou Oslo en 1993)

2.2.1. La « guerre du Golfe » (1990-1991)

Lorsque Saddam Hussein, disposant (grâce à ceux qui lui livreront cette guerre), de la plus puissante armée du Moyen-Orient, envahit le Koweït pour en faire une province irakienne, la réaction internationale est immédiate. L’URSS périclitant et proche de son implosion n’empêche pas l’ONU de décider l’envoi d’une force internationale.

Rapidement, l’armée irakienne est écrasée mais le régime de Saddam Hussein est maintenu au pouvoir. En revanche, le stock de missiles de moyenne portée doit être détruit et les résolutions de l’ONU prévoyant un embargo et de très lourdes sanctions sont décidées (le fameux « pétrole contre nourriture »).

Par précaution, des bases militaires américaines sont implantées définitivement sur le sol saoudien et dans le Golfe. A tel point que cette présence américaine est de plus en plus mal vue sur le sol sacré des saoudiens wahhabites.

2.2.2. Les raisons de la guerre

En réalité, que faut-il lire derrière ce conflit si vite décidé ?

Certes, l’Irak envahit un pays souverain, membre des Nations Unies, et menace ainsi la sécurité directe de l’Arabie Saoudite (zones pétrolières chiites) et d’Israël (à portée de missiles et d’une invasion territoriale).

• Néanmoins, il faut souligner qu’avec la chute du Mur, la déliquescence puis finalement l’effondrement de l’URSS en 1991, les États-Unis n’ont plus aucune légitimité à maintenir leur puissance au Moyen-Orient, face à une menace qui n’existe plus.

• D’autre part, l’Irak n’accorde pas un grand intérêt commercial aux États-Unis privilégiant plutôt l’Europe (notamment la France) ou l’Asie (Japon, Chine).

• Enfin, le parti de Saddam Hussein, le Baas, progressiste et laïc, est le dernier ersatz des aspirations panarabes du Moyen-Orient (après le nassérisme des années 1950 ou l’autre parti Baas syrien). Ce nationalisme arabe séduit et attire encore la sympathie de nombreux pays arabes et européens. Tous ces arguments font de l’Irak l’obstacle à la mainmise énergétique américaine.

2.2.3. La sécurité du pétrole de la Mer Caspienne

Il ne faut pas oublier les vues américaines sur le pétrole des pays riverains de la Mer Caspienne qui iront grandissantes. Comme le soulignent de nombreux documents stratégiques américains concernant la maîtrise de tous les flux énergétiques et économiques mondiaux (cf. The Grand Chessboard de Brzezinski), les routes d’acheminement du pétrole du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan doivent être libérées de toute influence russe (ou chinoise, avec l’accord sino-kazakh en 1997).

Pour les États-Unis, la Turquie doit être un allié clé pour la sécurité des oléoducs, tout comme les groupes et partis islamistes indépendantistes (Tchétchénie), afin de repousser l’influence russe sur ses anciens satellites. C’est en partie pour cette raison que l’Iran est devenu un enjeu médiatique de premier plan. (cf. article « À qui profite un Iran médiatique ? »)

Tous ces jeux indirects, ces trafics et ces manipulations de la politique américaine pour assurer son assise énergétique et économique ont contribué néanmoins à l’apparition d’une nouvelle carte : la montée en flèche de l’islamisme.

3. La radicalisation de la stratégie américaine au Moyen Orient face au terrorisme international (1991-2003)

En 1991, l’assise des États-Unis au Moyen-Orient est totale, mais son discrédit est à la hauteur de son emprise stratégique. A l’origine, la contestation émane des leaders victorieux de l’URSS basés en Afghanistan et au Pakistan (notamment dans la cellule très active de Peshawar). L’aide officielle apportée par l’administration Reagan pour contrebalancer l’influence soviétique en Afghanistan contribue à structurer un réseau de plusieurs milliers de combattants islamistes et certaines figures idéologiques charismatiques (telles que Abdullah Azzam, Oussama Ben Laden ou Omar Abdel Rahman). Mais, après le retrait soviétique, les combattants d’al Qaïda vont chercher de nouveaux terrains (Tchétchénie, Somalie, etc.). Le terrorisme d’al Qaïda reste régional.

Ben Laden, réfugié en Arabie Saoudite, en est expulsé en 1991 pour ses positions trop véhémentes envers la présence américaine sur le sol des Lieux Saints. Cette date marque l’internationalisation du terrorisme.

3.1. Les origines du terrorisme international d’al Qaïda (1991-2001)

Dès avant ce 11 septembre 2001, où l’opinion semble découvrir le terrorisme médiatique d’al Qaïda, un certain nombre d’événements précurseurs est à analyser.

3.1.1. A l’origine, le terrorisme est la défense d’un territoire

Avant d’être, aux yeux des États-Unis, l’unique apanage de Ben Laden ou de Saddam Hussein, le terrorisme a été un moyen de contestation de populations autonomistes ou anticoloniales. Par exemple, en 1928, la création des Frères Musulmans en Égypte par Hasan el Bana prône « le refus de l’asservissement culturel, politique et économique de l’Oumma » afin de se dégager du joug colonial.

Avant tout, le terrorisme est la défense d’un territoire. Ces deux mots partagent étrangement la même étymologie.

Ce terrorisme combat la présence physique des soldats américains sur les Lieux Saints mais aussi la présence symbolique des valeurs occidentales (notamment les touristes en Égypte). Et cette guerre de libération totale glisse progressivement vers une radicalisation idéologique. Effectivement, si l’on parle de territoire, il devient petit à petit celui du religieux. Le terrorisme n’est pas national : il constitue la lutte armée pour l’établissement d’un territoire dépourvu de toute influence ou déviance occidentale. Il est l’expression radicale et violente des projets de panarabisme. Le vecteur de cette contestation en est la religion.

3.1.2. La religion est un vecteur de contestation

Pendant ces années 90, même si la majeure partie des attentats terroristes reste régionale, la « menace al Qaïda » s’internationalise. Ben Laden, après l’instauration d’un pouvoir fondamentaliste au Soudan grâce au Front national islamique en 1989, rassemble des figures de la contestation régionale issues du front afghan mais aussi des leaders algériens, yéménites ou égyptiens (notamment Ayman Al Zawahiri). Des attentats régionaux sont perpétrés contre les intérêts américain : Aden en 1992, Mogadiscio en 1993, Riyad en 1995, Khobar en 1996, Nairobi et Dar es-Salaam (240 morts et des milliers de blessés) en 1998. De retour en Afghanistan où les taliban ont pris le pouvoir à Kaboul depuis 1996, Ben Laden et Al Zawahiri annoncent la formation du Front Islamique mondial pour le djihad contre les Juifs et les Croisés.

La contestation et les menaces d’al Qaïda prennent plus d’ampleur et touchent directement le sol américain comme en témoignent l’assassinat du rabbin extrémiste Meir Kahane en 1990 ou l’attentat contre le WTC en 1993 inspirés par Omar Abdel Rahman.

Ce qu’il faut comprendre c’est que les racines du terrorisme islamiste s’originent dans une contestation de l’hégémonie sur un territoire : c’est le cas en Afghanistan contre les Soviétiques, dans les multiples conflits nationaux des Balkans mais aussi sur le territoire sacré de l’Arabie Saoudite contre la présence américaine. Mais à partir des années 90, l’essor de figures charismatiques contribuent à idéologiser et à formaliser une doctrine. Le territoire n’est plus la terre à proprement parler mais le territoire des croyants, l’Oumma, face aux infidèles. La représentation géopolitique du terrorisme islamiste se détache progressivement d’une vision strictement autonomiste. Néanmoins, la religion n’est-elle pas un vecteur de contestation identitaire plutôt qu’une fin en soi ?

3.1.3. Le faux-problème du choc des religions

Le fameux concept du « choc des civilisations », rendu célèbre par Samuel Huntington en 1993, mais, en réalité, développé dès les années 60 par un universitaire américain, Bernard Lewis (proche de Wolfowitz et des néoconservateurs américains), consiste à opposer dangereusement deux blocs : l’Occident judéo-chrétien et l’Islam.

Cette opposition essentialiste et réductrice tend à se placer dans le domaine des idées : la confrontation de deux religions. La médiatisation excessive de ces notions conceptuelles contribue en outre à occulter la réalité des choses. Le problème essentiel reste celui de l’oppression d’un peuple ou de l’occupation bien réelle d’une terre. Parler d’un conflit religieux entre Palestiniens et Israéliens, c’est oublier le problème de la violation du Droit International par Israël. Focaliser sur le terrorisme islamiste, c’est oublier ses racines de revendication d’un territoire.

Alors comment comprendre ce glissement d’un terrorisme comme revendication strictement territoriale vers le terrorisme international d’al-Qaïda et ses appels au djihad ?

Effectivement, si le terrorisme des années 80 revendique un territoire face à un occupant, à partir des années 90, il s’idéologise, se radicalise et s’internationalise grâce aux media. Le recours aux nouvelles technologies et à Internet permet de diffuser un message relayé dans le monde entier. Les media contribuent à donner à la lutte d’al Qaïda une valeur symbolique. Prenons l’exemple du keffieh palestinien : il est devenu l’emblème de la résistance pour les jeunes occidentaux (altermondialistes, irlandais, corses, etc.) complètement déconnecté de sa signification originelle.

L’ampleur médiatique d’al Qaïda agit de la même manière : le label al Qaïda est récupéré comme représentation identitaire par des groupuscules n’entretenant parfois aucun rapport avec les combattants d’Afghanistan : comme ce sera le cas à Djerba contre la synagogue de la Ghriba en avril 2002, à Casablanca en mai 2003, ou à Istanbul en novembre 2003, etc. Les media permettent la confluence du terrorisme autonomiste régional vers le terrorisme internationaliste.

Dans cette course médiatique, certains analystes ne voient parfois en al Qaïda qu’une construction médiatique servant à la fois les intérêts de groupes autonomistes ou internationalistes et ceux des puissances légitimant leur cœrcition par une lutte anti-terroriste (Hitler en 1939 avait prétexté le terrorisme tchèque pour envahir la Tchécoslovaquie).

3.2. La pression américaine sur le Proche et Moyen Orient

La disparition du bloc soviétique projette l’administration américaine dans une intense campagne diplomatique et médiatique pour instaurer un ordre mondial américain. Après la guerre contre l’Irak de 1991, les forces américaines sont présentes dans le Golfe et le Moyen-Orient. De surcroît, l’accord (dont certaines clauses restent secrètes) conclu en 1996 entre la Turquie et Israël renforce le projet américain. En novembre 2000, lord Roberston, secrétaire général de l’OTAN, déclare que la Turquie « est un allié sûr de l’OTAN au cœur d’une zone vitale qui comprend les Balkans, le Caucase, le Proche-Orient et la Méditerranée ».

Ces atouts permettent aux États-Unis de réaliser ses deux impératifs : d’une part le contrôle énergétique régional et d’autre part la sauvegarde de la souveraineté de leur allié israélien en relançant à leur avantage le processus de paix.

3.2.1. Capitaliser la guerre contre l’Irak afin d’établir un « nouvel ordre mondial »

La violation par l’Irak de l’intégrité du Koweït pousse Saddam Hussein à justifier son occupation par l’exemple israélien de non-respect de la résolution 242 de 1967. Mais, cet argument ne suffit pas et l’opération rapidement déclenchée conduit, à partir de 1991, à maintenir l’Irak dans une position d’embargo total jusqu’en 1996 date à laquelle il est allégé par un programme « pétrole contre nourriture » permettant l’importation de nourriture et de médicaments.

En outre, États-Unis, Grande-Bretagne et France, malgré l’absence de résolutions de l’ONU en ce sens, établissent des zones d’exclusion aérienne sur 60% du territoire irakien afin de protéger les minorités kurdes au Nord et chiites au Sud. Mais, progressivement, ces zones d’exclusion légitiment des bombardements sur des zones stratégiques qui suscitent le retrait de la France en 1996 de la zone de surveillance du Kurdistan.

L’Irak est soupçonné de mener un programme d’élaboration d’armes de destruction massive. Des experts de l’UNSCOM sont dépêchés pour examiner toutes les installations. Mais dès avant la production de tout rapport d’analyse de l’UNSCOM, l’opération Renard du Désert est déclenchée en 1998 (où, par rapport à la Guerre du Golfe, le double de missiles de croisière a été lancé). La Russie, la Chine et la France critiquent ces bombardements en dehors des zones d’exclusions aériennes et qui touchent, selon l’ONU, près de 41% des civils.

Ces zones d’exclusion aérienne, aux fondements en Droit International controversés, initialement prévues pour sauvegarder les minorités irakiennes, permettent en réalité d’étouffer le pouvoir de Bagdad. Elles ont hélas aussi autorisé en 2000 des représailles militaires turques sur le PKK implanté en territoire irakien.

3.2.2. Conserver la maîtrise des processus de paix afin de préserver la souveraineté israélienne

L’ensemble du monde arabe condamne l’acharnement des États-Unis et de la Grande-Bretagne en Irak. Le parallèle est souvent observé, non en Droit mais dans la presse internationale, entre l’occupation du Koweït par l’Irak et l’occupation des territoires palestiniens par Israël. C’est pourquoi, en 1991, après le rejet du plan Baker de 1989 par les gouvernements israéliens, les États-Unis enclenchent avec l’URSS un processus de paix pour régler la question du conflit israélo-palestinien lors de la Conférence de Madrid.

Mais le processus souffre de plusieurs faiblesses :

• Les États-Unis forcent la main aux deux Parties ;
• L’OLP est absente de la délégation pour les négociations à Madrid ;
• L’ONU et l’UE sont conviées comme participants (non comme commanditaires) : leur approche défendant le Droit International (notamment le respect de la IV Convention de Genève) est marginalisée ;
• Le programme de négociation lancé est basé sur le principe contestable de la restitution des territoires en échange de la paix. Ce dernier point consacre le monopole de la violence et du terrorisme aux Palestiniens, la position de droit, de facto, étant celle d’Israël.

Tous ces décalages contribuent à enliser les négociations. En réalité, l’objectif est d’arriver le plus rapidement à une solution politique : même si le cœur des débats autour de la question des colonies juives et du statut de Jérusalem est suspendu, le processus d’Oslo, initié par l’allié des États-Unis, la Norvège, d’abord secret, aboutit à la reconnaissance mutuelle officielle entre Itzhak Rabin et Yaser Arafat qui signent une Déclaration de Principes à Washington en septembre 1993. Par cet accord, l’OLP est reconnu pleinement par Israël et permettent d’enclencher un processus de discussion plus serein pour l’autonomie des territoires palestiniens.

Depuis 1993, pour faire face aux attentats palestiniens et désintriquer, séparer les deux peuples, une logique sécuritaire se développe par des mesures de police : Gaza et la Cisjordanie sont bouclés par des barrages et des permis d’entrée, mais aussi par des mesures d’aménagement du territoire : les « by Pass Roads ». Israël s’engage effectivement à établir des routes de contournement pour garantir la sécurité des élections palestiniennes. En réalité, ces routes contribuent d’une part à isoler les confettis de territoires palestiniens éparpillés en cantons séparés les uns des autres et d’autre part, en contournant les zones de densité palestinienne, de relier toutes les extensions et colonies juives au cœur du territoire israélien.

Mais, en 1994, le massacre commis par des colons israéliens, tuant près de cinquante civils palestiniens et blessant plusieurs centaines de fidèles en prière dans la mosquée d’Abraham à Hébron, conduit au déploiement temporaire d’une force internationale (résolution 904) autour d’Hébron.

3.2.3. L’erreur stratégique de la carte israélienne : le « deux poids / deux mesures »

Les différentes rencontres dilatoires et le veto américain à tout respect du Droit International conduisent à l’impasse. En septembre 2000, la seconde Intifada est déclenchée suite à la visite provocatrice d’Ariel Sharon au Haram al-Sharif (l’esplanade des Mosquées), qui se situe dans Jérusalem-Est sous occupation israélienne. Mais, le mois suivant, lors du vote de la résolution 1322, les États-Unis au Conseil de Sécurité ne reconnaissent pas la visite de Sharon comme une provocation, ni l’emploi de la force par Israël contre les Palestiniens. Les pressions des États-Unis et d’Israël éloignent les possibilités d’un règlement du conflit sur les bases du Droit International.

De fait, une commission spéciale des Nations unies pour enquêter sur les droits de l’homme dans les Territoires palestiniens propose dans son rapport de mars 2001 la création d’une présence internationale « pour surveiller et rendre compte régulièrement de la conformité de toutes les parties aux normes des droits de l’homme et du droit humanitaire, de sorte à assurer à la population des Territoires occupés l’entière protection des droits de l’homme. Une telle présence internationale devrait être immédiatement établie et constituée de manière à refléter le sentiment d’urgence au sujet de la protection des droits de l’homme du peuple palestinien (§114) ». C’est d’ailleurs dans ce sens que se prononcent les ministres des Affaires étrangères lors de leur réunion du G8 à Rome en juillet 2001. Mais le 11 septembre suscite d’autres priorités pour les États-Unis et marque l’arrêt du processus de paix.

3.3. Le Moyen-Orient traumatisé (2001-2003)

Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur les TwinTowers précipitent les plans d’action américains au Moyen-Orient :

• Lancement en 2001 de l’opération « Liberté immuable » en Afghanistan décidée conjointement et conformément aux résolutions 1368, 1373 & 1378 du Conseil de Sécurité des Nations-unies,
• Lancement d’une guerre préventive unilatérale (coalition formée de la Pologne, de la Grande-Bretagne, de l’Australie et des États-Unis), sans l’accord de l’ONU contre l’Irak en 2003.

3.3.1. La construction d’un Ennemi global

Conformément à leur conception du « nouvel ordre mondial » que les États-Unis défendent, dès les années 90, en raison de leur mission morale qui leur est quasi-divinement accordée du fait de leur puissance, unique après la chute du bloc soviétique, il s’agit concernant le Moyen-Orient :

• Comme nous l’avons vu, d’empêcher l’escalade du conflit israélo-palestinien en renforçant le partenariat avec Israël et les états arabes « pro-occidentaux »,
• D’identifier et de détruire les armes de destruction massive (ADM), qui motivent les bombardements unilatéraux sur l’Irak en 1996 et 1998 ainsi que sur le Soudan en 1998,
• De lutter contre le terrorisme,
• Et de provoquer des changements en Irak et en Iran.

A partir de 2000, Saddam Hussein a préféré l’euro au dollar pour les transactions pétrolières et commerciales ; son initiative a été suivie par la Corée du Nord, l’Iran puis en 2002 par la Chine et la Russie pour leurs avoirs financiers. Même si la mainmise sur les hydrocarbures est une prérogative importante dans la politique américaine au Moyen-Orient, elle ne justifie pas à elle seule cette guerre préventive.

L’affaiblissement de l’Irak semble avoir été prévu de longue date par l’administration américaine mais les sanctions internationales n’ont pas réussi à déstabiliser Saddam Hussein au pouvoir. On assiste à une cristallisation politique et médiatique autour de Saddam Hussein et de son « état-voyou ».

Les États-Unis légitiment cette intervention par la menace sur la paix mondiale que représente l’Irak :

• Tout d’abord, la focalisation médiatique sur Saddam Hussein et sur Ben Laden contribue aux yeux des américains à nouer un lien évident de connivence entre les deux hommes dans l’élaboration des attentats de 2001 et dans le soutien au terrorisme international malgré que les services de renseignements occidentaux n’aient jamais alerté sur ce type de danger.

• L’argument avancé également depuis 1991 est la menace NBC et la détention d’ADM. Colin Powell affirme que les inspections ne suffiront jamais assez face aux réticences et au manque de transparence irakien.

3.3.2. Origines et légitimité d’une guerre préventive

Loin de la polémique de l’époque sur la justification de cette guerre préventive, il apparaît néanmoins que des deux pays en dehors de l’orbite « pro-américaine » et susceptibles de se doter (ou non) d’une arme nucléaire, l’Irak est affaibli et exsangue par rapport à l’Iran. Après le 11 septembre 2001, d’un point de vue stratégique, c’est donc l’occasion idéale pour se positionner militairement au Moyen-Orient. Pariant sur le ralliement de la minorité ch’iite irakienne, écartée par le pouvoir baasiste jusque-là, les États-Unis pensaient influer certainement sur l’Iran.

Le bombardement israélien sur le réacteur nucléaire irakien d’Osirak en 1981 est légitimé par les mêmes arguments : l’Irak est « hors la loi » et la menace, même si elle n’est pas totalement opérationnelle, constitue un facteur, à terme, de déstabilisation régionale. C’est une « légitime défense anticipée », conforme à l’article 51 de la Charte des Nations unies si l’Irak était en mesure de développer rapidement sa capacité nucléaire. Mais les États-Unis en 2002, comme Israël en 1981, se justifient en prétextant que le but de la guerre préventive est de créer les conditions préalables à l’instauration de la paix et au respect des droits de l’Homme et que par là-même elle est nécessaire en dépit de l’opposition du Conseil de Sécurité ou du respect du Droit International.

Les attaques du 11 septembre permettent aux États-Unis de remodeler l’ensemble du monde arabe en s’attaquant aux États-voyous. En définitive, désarmer l’Irak, c’est désarmer le seul pays arabe susceptible de contrebalancer l’équilibre des forces régionales au profit des deux alliés américains : Israël et la Turquie.

La Guerre d’Irak, déclarée en mars 2003 par l’opération « Iraqi Freedom » dont les « conflits majeurs » sont officiellement déclarés achevés en mai 2003 par le président américain, a permis de détrôner Saddam Hussein. Le temps est venu pour les États-Unis de mettre en place leur projet de « Grand Moyen Orient » afin de promouvoir ses alliances stratégiques vacillantes (l’Arabie Saoudite) et une vaste politique de démocratisation et de libéralisation.

4. La fin de la politique américaine au Moyen-Orient ? Bilan et perspectives (de 2003 à nos jours)

Si les États-Unis annoncent la fin des combats majeurs en Irak en mai 2003, le « bourbier irakien » perdure encore jusqu’à l’élection présidentielle de Barak Obama en janvier 2009. Cet enlisement du conflit constitue une aubaine stratégique pour l’Iran qui, en juin 2005, élit un président plus radical et en profite pour nouer de fortes relations avec les chiites irakiens, avec la Turquie et plus officieusement avec le Hamas et le Hezbollah en contribuant à la vente d’armes.

Politiquement, les États-Unis se sont discrédités dans le monde arabe par les motivations controversées du recours à la guerre contre l’Irak, par l’usage de la torture et de la violence (Guantanamo) et par leur soutien à la politique extrémiste israélienne. Ce discrédit met en péril leur projet de « Grand Moyen-Orient » lancé en 2004. En outre, en juillet 2006, l’attaque israélienne, soutenue par les États-Unis, contre le Hezbollah au sud Liban contribue à affaiblir l’État libanais, symbole de la démocratisation depuis le retrait syrien d’avril 2005. Enfin, la non-reconnaissance de la victoire du Hamas en janvier 2006 aux élections du Parlement palestinien et la campagne d’isolement dramatique du Hamas à Gaza par les États-Unis et ses alliés européens entachent la volonté américaine de développer les processus de démocratisation.

La politique américaine de « Grand Moyen-Orient » souffre de profondes contradictions et a vraisemblablement perdu l’initiative. L’élection d’Obama en 2009 marque-t-elle son regain ou sa fin ?

4.1. De la « guerre contre le terrorisme » à un remodelage du Grand Moyen-Orient (2003-2004)

Le jugement défavorable porté par l’opinion publique des pays arabes ne cessent de croître depuis l’invasion de l’Irak en 2003, malgré une inflexion en 2009. L’université du Maryland (pr. Zogby) publie chaque année un sondage très intéressant et détaillé réalisé auprès de 6 pays arabes : 64% de l’opinion publique jugeait les États-Unis défavorablement en 2007, 83 % en 2008, et 77% en 2009. Sans être plébiscité majoritairement (45%), Barak H. Obama augure d’un changement favorable de la politique américaine pour le Moyen-Orient. En 2004, cependant, face à sa perte de popularité tant au Moyen-Orient qu’auprès des américains eux-mêmes, Bush modifie sa tactique et propose une solution de dialogue, de partenariat et de dissuasions pour enclencher le « cercle vertueux » de la démocratisation.

4.1.1. D’une logique sécuritaire immédiate à des visées plus réalistes à très long terme

Ce brusque revirement d’une « guerre globale contre la terreur » à un large partenariat suscite des réticences, des méfiances quant à la sincérité du projet. De fait, l’idée d’un Grand Moyen-Orient, évoquée initialement à Washington en février 2003 puis développée plus avant en mai à l’Université de Caroline du Sud, subit des transformations et des adaptations.

Déjà, en décembre 2002, le Département d’État lance le Middle-East Partnership Initiative (MEPI) dans le but de « soutenir la participation politique, renforcer la société civile et l’autorité de la loi, encourager la participation des femmes et de la jeunesse, susciter des partenaires éducatifs et favoriser les réformes économiques ». Dans cet esprit, les États-Unis proposent le Great Middle East Initative (GMEI).

Ce plan n’emporte pas l’enthousiasme et il est modifié pour être présenté à Davos par Dick Cheney en janvier 2004 puis au sommet du G8 en juin à Sea Island. La tactique change : « aider les peuples du Moyen-Orient à surmonter leur "déficit de liberté" est, en fin de compte, la clé pour remporter la guerre globale contre le terrorisme ». L’attitude vibrionnante américaine, si elle obtient une adhésion formelle des partenaires, ne parvient pas à se concrétiser par la suite : c’est un échec diplomatique pour Washington.

Les raisons sont simples à comprendre puisque, si les intentions du projet sont louables et réussissent à emporter une adhésion de principe, l’Europe y voit la mise en péril de son Partenariat Euro Méditerranéen (PEM) proposé par l’OTAN dès décembre 1994 et lancé à Barcelone l’année suivante. De surcroît, les pays arabes voient dans l’extension de l’influence américaine sur le Maghreb une nouvelle volonté impérialiste.

Néanmoins, cette initiative américaine contribue à impulser des décisions politiques en faveur d’un processus de démocratisation régional. En mars 2004, la Ligue Arabe, réunie à Alexandrie, s’engage à tenir un plan de démocratisation et de développement social et économique (appelé document d’Alexandrie), réaffirmé au Sommet de la Ligue Arabe en mai à Tunis. Le Maroc, à ce titre, après avoir accueilli son premier « Forum sur l’avenir », a bénéficié en 2004 du qualificatif d’allié majeur non-OTAN des États-Unis (Major Non-Nato Ally), à l’égal du Pakistan et du Koweït.

4.1.2. La globalisation de la notion de terrorisme

Qu’en est-il alors de la lutte contre le terrorisme initiée en 2001 ? Nous pourrions prendre en contrepoint la phrase d’Oscar Wilde dans le Déclin du Mensonge (1889), « Sans doute y eut-il à Londres des brouillards depuis des siècles, mais personne ne les voyait, de sorte que nous n’en savions rien. Ils n’eurent pas d’existence tant que l’art ne les eut pas inventés », pour parler d’al Qaïda… La focalisation médiatique sur al Qaïda contribue à instaurer une menace globale.

Ainsi, les États-Unis profitent de cette menace globale médiatique pour intégrer, dans la liste des menaces terroristes établie par le Département d’État, des organisations qui n’ont aucun rapport avec un quelconque fondamentalisme ou islamisme : en 2004, on y trouve, entre autres, l’Armée de Libération du Rwanda, l’Armée Rouge Japonaise, l’Irish Republic Army, le Parti Communiste du Népal, le Parti Communiste de l’Union Indienne, la Résistance Antifasciste du Premier Octobre, le Tunisian Combattant Group, etc. Quatre pays sont étiquetés « États sponsorisant le terrorisme » (« State Sponsors of Terrorism ») : le Soudan, la Syrie, l’Iran et … Cuba !

Sur le plan intérieur, le 24 octobre 2001, immédiatement après les attentats, les États-Unis votent l’US Patriot Act, loi provisoire et circonstancielle, qui réduit considérablement les libertés individuelles séculaires du Bill of Rights. La loi antiterroriste permet, pour les personnes suspectées d’accointance avec le terrorisme, de les placer sur écoute, de s’introduire grâce à des logiciels espions (baptisés Carnivore) dans les messageries informatiques. Le Patriot Act II, voté en novembre 2003, permet au FBI de s’introduire dans les systèmes informatiques pour récolter des informations personnelles sans contrôle judiciaire. En 2004, le président demande au Congrès de rendre permanente cette loi. En mars 2010, elle vient juste d’être reconduite pour un an supplémentaire, suite à l’attaque manquée sur le vol Amsterdam-Detroit.

Ces digressions ne sont pas sans intérêt pour comprendre le discrédit américain qu’utilisent certaines voix dans les pays arabes pour rejeter les plans américains.

4.2. Les obstacles au projet de Grand Moyen-Orient (2004-2009)

4.2.1. La montée en puissance de l’Iran

L’Iran a profité de la chute de l’Irak pour encourager l’arrivée au pouvoir des chiites, notamment grâce à la milice Badr basée en Iran jusqu’en 2003, et renforcer les liens existants avec eux. Ces éléments constituent un levier puissant au sein de la coalition chiite. L’élection d’un laïc radical, Mahmoud Ahmadinejad, le 24 juin 2005, balayant son adversaire modéré Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, fait craindre à Washington la mise en péril du processus de démocratisation et la poursuite du programme nucléaire.

De plus, ayant tout intérêt à voir les États-Unis s’embourber en Irak, l’Iran intervient militairement en 2007 sur le territoire irakien. D’un point de vue économique également, l’Iran bénéficie de l’augmentation du prix du baril (notamment en 2003 et 2007) en raison du flux constant en provenance du Golfe. De surcroît, les capitaux iraniens affluent dans les villes saintes chiites du Sud de l’Irak comme Karabala et Al Najaf, renforçant les liens directs avec l’Irak.

Tous ces éléments contribuent à donner à Téhéran une grande influence auprès de Bagdad. Néanmoins, cette communauté de croyance n’implique en rien une soumission ou une dépendance de la minorité chiite irakienne à Téhéran. Un amalgame géopolitique est rapidement fait pour insister sur la montée en puissance d’un « arc chiite » qui, en réalité, est, certes, une communauté religieuse, mais traversée, tant à Téhéran qu’à Bagdad, de profondes divergences internes.

4.2.2. Le double jeu de la démocratie

Le premier point surprenant dans cette quête de démocratisation du Moyen-Orient est le redéploiement des alliances stratégiques : malgré leur rôle ambigu dans le terrorisme ou la prolifération nucléaire, le Pakistan, l’Arabie Saoudite ou la Libye redeviennent des États coopérant dans la lutte contre le terrorisme après les crispations diplomatiques du 11 septembre 2001. D’un autre côté, d’autres états ne bénéficient pas de ce même régime de faveur : frappes contre le Soudan, sanctions contre l’Iran, pressions sur la Syrie.

Le deuxième point est le soutien indéfectible des États-Unis à leur allié israélien. A partir d’avril 2005, il est sensible que les États-Unis, voulant parvenir rapidement à un accord politique sur le conflit israélo-palestinien, cherchent à faire accepter de « nouvelles réalités » par rapport aux propositions de Clinton, c’est-à-dire à abandonner l’idée d’un retour aux frontières de 1967. Autrement dit, progressivement, le discours américain tente de faire admettre l’état de fait de la colonisation. Même si la thèse de deux États reste d’actualité, la pression internationale ne suffit pas à empêcher la reprise des chantiers de colonisation (gelée par Rabin en 1992) du gouvernement de droite israélien.

4.2.3. Une paix médiatique ?

En 2005, le projet de Grand Moyen Orient de Bush emporte malgré tout un relatif enthousiasme occidental en raison de plusieurs avancées :

• Après le décès de Yasser Arafat, Mahmoud Abas, déjà présent aux négociations d’Oslo et considéré comme un « interlocuteur valable » par les États-Unis et Israël, élu le 9 janvier 2005, permet un rapprochement sensible entre l’Autorité Palestinienne et l’Etat hébreu. De son côté, Ariel Sharon promet le démantèlement de 21 colonies juives de la bande de Gaza ainsi que de 4 colonies de Cisjordanie.
• En janvier 2005, les élections en Irak, malgré les menaces d’attentats, se déroulent correctement avec une participation inattendue (60%) : le kurde Djalal Talabani à la présidence intérimaire de l’Irak et le chiite Ibrahim al-Djaafari au poste de premier ministre augurent d’une démocratisation sur la bonne voie.
• En Égypte, Hosni Moubarak promet la tenue d’élections multipartites.
• En Arabie Saoudite, également, l’élection des conseillers municipaux se tient par un vote populaire (la population masculine).

Néanmoins, même si les États-Unis, après la réélection de Bush en 2004, infléchissent leur stratégie et si les médias euphorisent sur l’élan démocratique, le retrait en Irak des troupes américaines est toujours périlleux en raison des fortes violences qui perdurent. De plus, en Égypte, les élections multipartites reconduisent Moubarak pour un cinquième mandat après l’emprisonnement infondé de son rival Ayman Nour pour fraudes électorales.

Enfin, à Gaza, en janvier 2006, face à un Fatah désorganisé et corrompu, le Hamas parvient en remporter la majorité des sièges au Conseil législatif palestinien ; les États-Unis et l’Europe n’ont pas reconnu l’élection d’une organisation, considérée comme terroriste. Dès après, le Hamas est victime d’une campagne d’isolement et de sabotage, les États-Unis et ses alliés (notamment l’Égypte) soutenant les actions de la Fore de sécurité préventive (FSP) de Mohammad Dahlan, figure du Fatah et allié inconditionnel des États-Unis. Suite à l’enlèvement de Gilad Shalit, un soldat israélien, le 25 juin 2006, Israël arrête et retient en otage une grande partie des membres élus du Hamas. L’affrontement ouvert entre Fatah et Hamas à Gaza tourne à l’avantage de ce dernier en juin 2007 qui, malgré les bombardements israéliens, maintient sa mainmise sur Gaza.

Face à cet imbroglio, Mahmoud Abas, soutenu par les américains et plusieurs états arabes (comme l’Arabie Saoudite, la Jordanie et l’Égypte), en appelle à la communauté internationale en affirmant un lien, contesté, entre le Hamas et al Qaïda et décrète l’état d’urgence le 15 juin 2007 nommant à la tête d’un nouveau gouvernement un économiste pragmatique, Salam Fayyad. Mais la situation ne se stabilise pas car le Conseil législatif palestinien est bloqué, du fait de l’emprisonnement de ses membres élus du Hamas et de profondes divisions qui minent le Fatah.

La conférence d’Annapolis le 27 novembre 2007 se révèle être le symbole de la médiatisation de la politique américaine et de sa réelle incapacité opérationnelle à appliquer son projet de démocratisation.

Effectivement, si les États-Unis ont réussi à convier autour de la table de discussion un large éventail de dirigeants arabes (dont l’Arabie Saoudite et la Syrie), les interlocuteurs présents sont incapables d’agir sur le terrain. L’obstination israélienne sur le maintien de la colonisation est un revers sonnant pour les américains et révèle finalement leur incapacité à infléchir la politique de leur allié. Mahmoud Abbas est confronté à une contestation de son pouvoir à Gaza avec le Hamas alors que sa réelle autorité repose sur des 7 territoires, émiettés et encerclés par les murs et les voies de contournement israéliens. La crise de la légitimité politique dans les pays arabes révèle le fossé entre les peuples et les gouvernants.

4.3. En quête d’un nouveau départ pour la stratégie américaine ?

4.3.1. des annonces médiatiques et pleines d’espoir : le discours du Caire (4 juin 2009)

L’élection de Barak Obama relance l’espoir pour le Moyen-Orient. Avec la secrétaire d’État, Hillary Clinton, les États-Unis s’engagent à remodeler la région. Le Président a choisi le Caire, lieu controversé pour son autocratie et son immobilisme, mais allié et considéré encore comme un relais culturel et médiatique dans la région. Dans son discours, il fait preuve d’une grande ouverture et d’une grande compréhension des enjeux. Il souhaite s’adresser au monde musulman et modifier sa perception des États-Unis. Son approche et consensuelle et multilatérale. Mais cela suffit-il pour lancer un "nouveau départ" ? Tout d’abord, sa rencontre avec Netanyahou, en mai 2009, démarque Obama de ses prédécesseurs dans sa fermeté affichée à l’égard du processus de colonisation israélien et également de la création d’un État palestinien (dont Israël réclame qu’il soit dénué de toute souveraineté dans le domaine militaire et le contrôle de ses frontières).

4.3.2. L’essoufflement de la politique américaine

En septembre 2009, les États-Unis appellent Abbas et Netanyahou autour de la table de négociation alors que l’émissaire spécial américain, Georges Mitchell, n’était parvenu à aucun accord substantiel. Mais les pourparlers n’aboutissent pas et Barak H.Obama, après s’être impatienté, reconnaît au Time le 21 janvier 2010 la difficulté de négocier dans ces discussions : "Je pense que nous avons surestimé notre capacité à les convaincre de dialoguer."

De surcroît, Mahmoud Abbas est visiblement affaibli par l’impasse de ces négociations et perd l’assise auprès de son peuple, renforçant le décalage entre peuple et gouvernants et alimentant les frustrations et les possibilités de violences.

Depuis février 2005 et l’assassinat de Rafik Hariri, les États-Unis avaient rappelé leur ambassadeur en Syrie. Fin juin 2009, un nouvel ambassadeur est nommé à Damas. Cette nomination marque une volonté de réchauffer les relations avec un acteur clé de la région alors même que les relations entre Syrie et Israël sont très tendues ces derniers temps. En Iran, même si Obama a infléchi les objectifs de Washington en permettant la possibilité de nucléaire civil sous conditions, Mahmoud Ahmadinejad joue de chantages pour conforter sa position.

De son côté, l’Égypte n’est plus un levier diplomatique aussi puissant qu’auparavant car le pouvoir aux mains de Moubarak depuis 1981 est sclérosé et la récente mesure pour couper les tunnels sous la frontière avec Gaza (un mur métallique a été construit sous terre) a rendu le régime impopulaire dans le monde arabe et obéré les possibilités de libération du soldat israélien Gilad Shalit.

Autre point de remodelage diplomatique, la récente reconnaissance par les États-Unis du génocide arménien a froissé l’allié turc.

4.3.2. Le spectre de la sécurité nationale toujours présent

Sur la plan intérieur, les États-Unis ont différé les mesures promises (notamment la fermeture de Guantanamo) en raison des menaces de décembre du vol Amsterdam/Detroit et des failles constatées du système actuel de sécurité et de prévention. Malgré des annonces symboliques, les mesures se sont même renforcées pour améliorer l’efficacité de la sécurité nationale. Les États-Unis auront certainement beaucoup de mal à se défaire de leurs peurs séculaires et du traumatisme causé par le 11 septembre.

4.3.3. Les perspectives : la fin des projections militaires américaines ?

La diplomatie forte de Barak Obama, si elle s’essouffle au fur et à mesure de ses confrontations avec le terrain, doit aussi composer avec la marge de manœuvre imposée par le Congrès. Néanmoins, les interventions militaires américaines directes déstabilisent l’ensemble régional ; comme le montre l’exemple du Yémen, les politiques américaines semblent évoluer vers une coopération avec les polices locales (Irak, Afghanistan) et vers une dissuasion (nucléaire iranien).

Pour autant, le déploiement dans le Golfe Persique d’importants moyens militaires (notamment des missiles Patriot) considérés comme "défensifs et dissuasifs" font redouter malgré tout des opérations militaires d’ampleur contre l’Iran (après une année de politique de la main tendue sur le dossier nucléaire, les États-Unis veulent proposer à l’ONU un nouveau régime de sanctions auxquelles la Chine est pour l’instant diplomatiquement opposée).

En occupant l’Irak, les États-Unis ont ouvert une boîte de Pandore dangereuse. S’il est encore trop tôt pour tirer un bilan positif des élections irakiennes, la forte participation des électeurs malgré les menaces d’al Qaïda est encourageante. De là à conclure à un échec du terrorisme et à l’essor de la démocratie vertueuse… La politique américaine au Moyen-Orient d’Obama a bénéficié d’un lancement médiatique mais souffre dorénavant d’une sclérose de ses alliés (l’Égypte, l’Arabie Saoudite), ou de leur entêtement incontrôlable (Israël). En outre, le décalage de plus en plus criant entre les gouvernants et la population, appelant une nouvelle génération de dirigeants, contribue à nourrir la désillusion des peuples. Une nouvelle génération est-elle en marche marquant le déclin de la politique américaine ? Ou l’impasse d’une "solution" d’apaisement régional poursuivra-t-elle les iniquités actuelles ?

Vincent FROMENTIN © Middle East Pact

Vincent Fromentin est doctorant en Géographie de la Santé aux universités de Lyon 3 et Paris 12. Il effectue ses recherches sur les méthodologies d’évaluation d’une action de santé dans le monde arabe.

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